Titre VO : The running wild
Auteur : J. G. Ballard
Traduction de l’anglais par Robert Louit.
Édition Tristram, 20013.
Une autre édition est sorti sous le titre : »Le massacre de Pangbourne », en 1992, chez Belfond.
Genre : Dystopie
»La seule chose étonnante chez ces gens, c’est qu’ils aient trouvé le temps de se faire assassiner. »
Résumé :
» Pangbourne Village est un enclos résidentiel de luxe près de Londres, où une dizaine de familles aisées – directeurs généraux, financiers, magnats de la télé – vivent en parfaites harmonie et sécurité. Jusqu’au jour où l’on découvre que tous les enfants viennent d’être kidnappés et leurs parents sauvagement massacrés.
Deux mois après les faits, les enlèvements ne sont toujours pas revendiqués. Les enquêteurs sont dans l’impasse. Impuissants, ils se repassent avec effarement la vidéo tournée sur la scène du crime. La froideur méticuleuse des assassinats ajoute à l’impression d’être en présence d’un tuerie hors norme.
La police décide de faire appel à un psychiatre, le docteur Richard Greville, pour reprendre l’enquête.
Dans ce bref roman magistral, J.G Ballard explore les conséquences extrêmes de la logique ultra-sécuritaire. »
Mon avis :
J’ai du lire ce livre dans le cadre de mon cours en littérature comparée sur la dystopie.
L’auteur, J. G Ballard, s’inspire du massacre orchestré par Michael Ryan, survenu en Angleterre en 1987. Le roman en est une version extrême, avec une structure familiale déplacée dans la bourgeoisie, dans le village de Pangbourne, société utopique, basée sur la sécurité de tous par le surveillance abusive, où il imagine la violence des adolescents par le journal d’un psychiatre engagé afin d’élucider le massacre des parents du village et des enfants disparus. L’action se passe en 1988, mais la dernière page situe l’affaire en 1993. L’avenir évoqué est un critère de la dystopie, car il désigne l’idéal de dysfonctionnement.
Sauvagerie est un nouvelle dystopique. Elle renvoie à un genre, apparu au 20eme en Europe, afin de critiquer un monde qui ne suffit plus. Effondrement de la confiance en la civilisation : confirmation avec le totalitarisme dans l’entre deux guerres, où la volonté d’une utopie vole en éclat. Crise 1929 renforce cette inquiétude. Évolution de la science et de la technologie : les machines remplace l’homme. Bombe nucléaire en 1945, rends compte de cette inversion de l’utopie. S’inscrivant contre l’utopie, mais en n’étant pas son simple contraire car l’utopie et la dystopie ont en communs un monde inventé considéré comme la réalisation d’un idéal, mais quelque chose dysfonctionne dans le monde dystopique. La narration met en doute le bonheur apparemment présent. Le spectateur ou lecteur prends conscience que le monde rêvé est plus un cauchemars. La constante du genre veut que le personnage principal qui sous l’influence d’une femme, de l’amour, se révolte et prends en main son individualité.
Sauvagerie, la société dite idéal, est le déplacement d’une caste de la population, la catégorie supérieur, dans une sorte de ghetto où personne d’autre ne peut entrer, surveillé sans interruption afin de garantir une sécurité et un bonheur sans autre préoccupation que le bien être des individus. Cette collectivité est tournée uniquement vers le projet de conditionner des êtres à vivre entre eux, coupée des autres castes de la société.
En effet dès la présentation du village de Pangbourne, le lieux est présenté comme un Mont Parnasse, en référence au logis d’Apollon dans le mythologie Grec, dieu de l’harmonie et de la beauté. Nous comprenons ainsi que Pangbourne est un projet gouvernemental aux allures de véritable utopie. Cet univers si idéal, ne peut qu’abriter des gens qui ont le mérite d’être également beaux et surtout riches afin de profiter au mieux du luxe et du confort mis à leur disposition. Les habitants sont donc issus de caste supérieur, tels que des banquiers, et autre magnats de la finances, qui possèdent un luxe apparent. L’harmonie règne en maître, puisque le but est le bonheur. Les individus vivent entre eux, mais ne se côtoient pas pour autant. Au contraire tout est fait pour qu’ils sachent tout de leurs voisins sans jamais avoir à leur parler. Des caméras de surveillance sont présentent partout dans Pangbourne, dans les maisons, afin que chacun sache ce que l’autre fait à tout moment de la journée, ainsi aucun risque de mensonges, de corruptions ou d’adultères. Les habitants ne sont donc plus aux prises avec leurs démons intérieurs et peuvent vivre tranquillement. Les enfants sont éduqués dans un environnement plus que luxueux, accompagnés de tout le confort technologique dernier cris. »Les enfants fréquentaient des externats privés haut de gamme » ( p. 17 ), afin d’être entourés uniquement par l’élite de la société, et leur faire comprendre leur supériorité.
Mais ce qui les façonnent surtout, est cette société de l’amour. Les parents ont une place prépondérante dans la vie des enfants de Pangbourne village, car ils sont là pour éduquer leur enfants dans l’amour afin qu’il n’y est aucun débordements, que l’éducation se passe dans la douceur et la compréhension. Différents moyens sont mis en place, pour que les enfants de Pangbourne village, soient les meilleurs dans tous les domaines. »Leurs résultats scolaires montrent une totale absence de stresse dans la vie familiale. » ( p. 17 ) Car si ils peuvent se concentrer uniquement sur le but de leur vie scolaire, sans avoir à se préoccuper d’une vie familiale chaotique, comme ce serait le cas dans une société où les individus ne seraient pas pris en charge, ne seraient pas en sécurité dans un univers ultra technologique afin de garantir une hygiène de vie débarrassée de toutes les impuretés du monde extérieur. Cette vie scolaire est prolongée même au sein de la vie quotidienne des familles. En effet, les parents ne semblent exister que pour travailler et ainsi faire vivre aisément leur famille, et pour leurs enfants, afin que ceux-ci prennent leur places dans l’avenir. »Les parents ( tous semblent s’être opposés à l’idée d’internat, ce qui n’est pas caractéristique de leur milieu socioprofessionnel ) consacraient de longues heures à leur progéniture, au point même de sacrifier leur propre vie sociale. » ( p. 17 ) Cette forme de vie familiale, est la même pour tous au sein de Pangbourne village. Les enfants, sont pris en charge par leur parents, et non par du personnel dans un cadre collectif, afin de les éduquer eux-même et de leur garantir un enseignement qu’eux seuls pensent être bénéfique, afin de ne pas dépendre du monde extérieur. Cette éducation est basée sur la compréhension et l’amour, car les parents semblent être entièrement dévoués à leurs enfants, les conflits de générations n’existent pas, puisque tout se passe dans la douceur, tout est expliqué et calculé, même les réactions. Les parents guident leurs enfants » vers une vie pleine et heureuse » ( p. 17 – 18 ) Les activités sont uniquement familiales, puisque les caméras étant présentes partout, les parents savent donc exactement ce que font leur enfants, à l’image de Jeremy Maxted, qui reçoit sur son ordinateur un message de félicitations de ses parents pour les longueurs qu’il vient d’effectuer dans la piscine. » 47 longueurs aujourd’hui ! Bien joué, Jérémy ! » ( p. 33 ) Toutes les habitations que le psychiatre, Richard Greville visite sont ponctuées des mêmes signes distinctifs comme »les même rappels affectueux des devoirs à faire, les mêmes listes de programmes télé recommandés et les mêmes conseils de lecture. » ( p. 32 ) Tout cela dans la douceur et l’amour, dans un univers uniquement tourné vers le bien être et la transmission des valeurs.
Malheureusement, cette éducation par transmission des valeurs, sans explication du bien et du mal, puisque par conséquent le mal est éradiqué de la collectivité, est un apprentissage vain car les enfants ne savent ainsi par réellement ce qu’ils ont ou non le droit de faire. Ils ne sont plus libres, car surveillés tout le temps par leur parents, conditionnés à lire et à regarder certains livres ou certains programmes, ne les forment pas à être des individus en pleine possession de leur moyens, mais des êtres constamment à la recherche d’une identité. Ils ne peuvent plus penser par eux-même puisque tout leur est dicté par la volonté parentale. Cette dernière est toute puissante, et rien ne doit les en écarter. Ainsi les enfants de Pangbourne village, commencent petit à petit à se poser des questions, et à tenter d’enrayer le système. En effet, comment vivre sous la contrainte de la surveillance sans un instant de répit, devoir toujours se surpasser pour être le meilleur, et ainsi que le projet gouvernemental réussisse. Car c’est bien d’un projet que les enfants de Pangbourne village sont les jouets : les autorités veulent créer une société utopique taille réelle. Vu de l’extérieur, cela y ressemble fortement, mais à l’intérieur on y étouffe par trop d’amour, de compréhension et de douceur. C’est également par les conflits de générations, par la confrontation du bien et du mal, des tentatives et des échecs qu’une éducation peut réellement aboutir. Ici, les enfants de Pangbourne village n’ont pas le droit à l’erreur.
Dans Sauvagerie, nous retrouvons une envie de liberté par les mots. En effet, les enfants de Pangbourne village, sont constamment surveillés dans leur activités, dans ce qu’ils regardent à la télévision, ou ce qu’ils lisent, tout ceci étant conseillés par les parents. La liberté de pensée est également abolie, la notion de distinction est prohibée, puisqu’on leur montre le bon chemin naturellement. Ainsi une envie de rébellion pointe le bout de son nez, chez les adolescents en pleine révolte contre la société et leurs parents. Dans cette communauté, cette rupture naturelle, pour nous, est poussée à son paroxysme. Aucunes libertés n’étant données, les enfants »étouffent sous le régime ininterrompu d’amour et de compréhension qu’on les force à ingurgiter à Pangbourne village. Une idée de l’enfance inventée par les adultes. » ( p. 55 ) Pour ainsi dire une inexistence de l’enfance, contrôlée par des parents exigeant, et une société où tout n’est que bonheur. Lorsque l’on est un adolescent, cette idée est purement in-envisageable, ils sont en pleine crise identitaires, et veulent » à tout prix la rudesse des émotions réelles, des parents qui ne sont pas toujours d’accord avec eux, sont agacés impatients ou même ne les comprennent pas. » ( p. 55 ) Ils voulaient uniquement des vrais parents, pas le modèle en carton que semble avoir adopté tout Pangbourne village. Pour se construire, il faut faire des expériences, tomber pour se relever, et appréhender la vie d’une autre manière. Ou est donc l’utilité de tout savoir tout de suite.
Cette action nous prouve que comme le disait Françoise Héritier, » La violence n’est pas inné chez l’homme. Elle s’acquiert par l’éducation et la pratique sociale. » En effet, les enfants de Pangbourne village, lassés de cette vie où tout n’est que bonheur, ont tous simplement choisis pour une seule et unique fois, leur chemin.
Cette éducation dans l’amour et la compréhension, basée sur la surveillance, favorise un besoin de liberté. Par leur journal intime, rédigé à quatre main, Gail et Annabel Reade, trouvent un sentiment d’évasion que leur vie réelle leur empêche. C’est par les détails scabreux que les fillettes peuvent expérimenter »les émotions puissantes suscitées par la passion sexuelle. » ( p. 59 ) En effet, ses passages ne sont là que pour la forme, ce qui les justifient se sont que par »leurs pratiques sexuelles, les habitants de Pangbourne peuvent s’échapper dans un monde des sens plus brutal et plus réel. » ( p. 59 ) Les adolescents de Pangbourne, ne connaissent des sentiments que la face douce et sans heurts, que le bonheur sans le revers de la médaille. Ainsi, ils veulent explorer un monde plus réel, car plus brutal. A l’image de Jeremy Maxted qui cache un magazine d’armes dans sa chambre. Ses pratiques sont là pour faire ressentir aux enfants de Pangbourne village, une vie réelle qui ne leur est pas autorisée.
C’est cette éducation trop utopique qui finira par développer chez les enfants, qui ne sont que des adolescents en crise identitaire, qui ne comprennent pas le but d’un tel apprentissage, une envie de liberté toujours interdite, un profond besoin de confrontation avec le monde réel dont ils ont été privés. » Les enfants de Pangbourne ne se rebellaient pas contre la haine et la cruauté. […] L’objet de leur révolte était un despotisme de la bonté. Ils ont tués pour se libérer d’une tyrannie de l’amour et de la gentillesse. » ( p. 50 )
Ainsi nous constatons que par cette volonté d’utopie, de monde sociétaire où chacun est heureux, puisque débarrassés des contraintes du monde extérieur, est finalement une illusion, ne servant seulement de voile à un projet inaccessible. Comment peut-on éduquer des enfants sans les confronter au monde réel, au bien comme au mal, aux conquêtes comme aux défaites, à la beauté comme à la laideur, au savoir comme à l’expérience pratique, sans qu’ils ne puissent jamais donner leur opinion, en leur effaçant leur besoin le plus primaire la liberté de penser.
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Points positifs : Le message de l’auteur est exploré d’une façon totalement inédite, l’écriture est très concise et en peu de pages il nous présente une enquête compréhensible et crédible.
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Point négatif : Peut-être un peu court, mais cela ne dessert par le roman, bien au contraire.
L’auteur :
J.G Ballard, né à Shangai en 1930. Emprisonné dans un camp pour civil à la fin de la 2eme Guerre Mondiale. Mode de vie britannique qui constitue un exemple traumatisant.
Études de Médecine et littérature et se consacre à l’armée de l’air.
Commence à écrire des nouvelles SF. Ses 4 premiers romans forment le Cycle des catastrophe naturelles avec : 4 fois de suite il désabuse la société technologie
Ensuite Trilogie de Béton : – Crash, ( adapté au cinéma par David Cronenberg ) L’île de béton, et IGH = réalité banal des intrigues
»Mythologie de la technologie, du sexe, machinisme et des médias »
1984 ; »Empire du soleil », ( adapté au cinéma par Steven Spielberg ) puis »Sauvagerie » qui pas de la SF mais plus un roman à énigme comme »Cocaïne Night ».
1996 ; »La face caché du soleil » SF = hypothèse sur le monde réel. Monde rangée où son désirerai presque une catastrophe. Violence met un terme à l’ennui.
Écrivain à thème avec des obsessions, critique de la modernité ( obsédé du confort ), dénonce un monde absurde, saturé d’image mais dénué de sens.
Meurt à Londres en 2009.
Cette nouvelle m’intrigue, je dois dire. Je vais essayer de me la procurer. Ton cours de littérature comparée sur la dystopie m’a l’air fameux, dis donc ! Je paierais cher pour y assister ^_^
Je n’en n’avais jamais entendu parler avant mon cours mais c’est vraiment dommage car en voyant ce qu’il écrit j’ai vraiment envie de lire quelques uns de ces autres écrits ! Il a un univers très trash, très barré. Cette nouvelle fait froid dans le dos, c’est glauque, froid, et encore une fois, ça pourrait très bien nous arriver, au vu du monde dans lequel nous vivons.
Je dois dire que je m’éclate vraiment dans ce cours, c’est très interessant, la prof est hyper calée, et adore ce qu’elle nous transmet.
Superbe analyse ! Sous ses dehors trashs, j’ai l’impression à te lire que ce livre propose une réelle réflexion, limite sociologique d’ailleurs, notamment autour de la violence (qui s’apprend et n’est en aucun cas innée, je rejoins tout à fait Françoise Héritier). C’est passionnant.
Bon il était déjà dans ma PAL mais il est remonté dans mes priorités grâce à toi ^^.
Merci beaucoup du compliment =) Effectivement, c’est exactement cela ! J’ai lu une autre critique sur ce livre, disant qu’il manquait de profondeur, certes il est court, mais pour moi, les propos de l’auteur sont très pertinents, et justement la longueur de la nouvelle fait que le propos développé autour de la violence est encore plus froid, et choquant !
Je suis très heureuse de t’avoir donnée envie de le lire ! Pour ma part, je lirai bien d’autres titres de l’auteur, notamment »Trash » qui à été adapté au cinéma =)
Merci beaucoup, en tout cas, de ton passage ici, et d’avoir pris le temps de me lire =)
Super ta chronique!!! 🙂
Tu m’as vraiment donné envie de le lire…. Je viens de l’ajouter à ma wishlist!
Bisous
Merci beaucoup, comme je l’ai dit, j’ai pris des bouts d’un devoir que je devais faire, donc forcément c’est un peu plus développée, mais merci du compliment, cela me va droit au cœur =)
Mission accomplie : je t’ai donnée envie de le lire, j’espère vraiment qu’il te plaira, il est très court, mais très percutant !
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