Auteur : Joël Dicker
Editions de Fallois / L’Âge d’Homme, 2012.
Prix de la Vocation Bleustein-Blanchet, le Grand Prix du Roman de L’Académie Française et le 25eme Prix Goncourt des Lycéens.
Genre: Thriller, contemporain
» J’aimerai vous apprendre l’écriture, Marcus, non pas pour que vous sachiez écrire, mais pour que vous deveniez écrivain. Parce qu’écrire des livres, ce n’est pas rien : tout le monde sait écrire, mais tout le monde n’est pas écrivain.
Et comment sait-on que l’on est écrivain, Harry ?
Personne ne sait qu’il est écrivain. Ce sont les autres qui le lui disent. » ( p. 63 )
Résumé :
» A New York, au printemps 2008, alors que l’Amérique bruisse des prémices de l’élection présidentielle, Marcus Goldman, jeune écrivain à succès, est dans la tourmente : il est incapable d’écrire le nouveau roman qu’il doit remettre à son éditeur d’ici quelques mois.
Le délai est près d’expirer quand soudain tout bascule pour lui : son ami et ancien professeur d’université, Harry Quebert, l’un des écrivains les plus respectés du pays, est rattrapé par son passé et se retrouve accusé d’avoir assassiné, en 1975, Nola Kellergan, une jeune fille de 15 ans, avec qui il aurait eu une liaison. Convaincu de l’innocence de Harry, Marcus abandonne tout pour se rendre dans le New Hampshire et mener son enquête. Il est rapidement dépassé par les événements : l’enquête s’enfonce et fait l’objet de menaces. Pour innocenter Harry et sauver sa carrière d’écrivain, il doit absolument répondre à trois questions : Qui a tué Nola Kellergan ? Que s’est-il passé dans le New Hampshire à l’été 1975 ? Et comment écrit-on un roman à succès ?
Sous ses aires de thriller à l’américaine, La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert est une réflexion sur l’Amérique, sur les travers de la société moderne, sur la littérature, sur la justice et sur les médias. »
Mon avis :
Étant donné que j’ai assisté à une conférence de l’auteur au Salon du Livre de Paris 2013, intitulé »La vérité sur Joël Dicker » je vais insérer des éléments de cette dite conférence afin de produire une critique plus complète.
Joël Dicker est un écrivain confirmé, il à produit 6 livres dont 2 sont aujourd’hui parus, et suite à la publication du premier il voulait écrire un livre qui lui plaise avant tout, et décrire un Etat-Unis qui lui ressemble.
L’histoire est coupée en deux temps : l’Amérique de 2008, car l’auteur voulait une prise sur le temps, un temps qui lui ressemble. Ce laps de temps là, car il à séjourné aux Etats-Unis, dans l’Amérique profonde du Mid-Ouest, entre 2006 et 2008. Il a voulu inclure l’élection de Barack Obama, car pour lui le pays avait besoin d’un nouveau souffle, et c’est ce qu’il souhaitais faire comprendre au lecteur dans le livre, et le mettre en parallèle avec la vision des puritains, afin de montrer une Amérique coupée en deux, entre ceux qui souhaite faire bouger les choses et ceux qui préfèrent rester dans un univers stable. Ce qui revient, dans l’intrigue, à la volonté de Marcus de faire innocenter Harry et de trouver le vrai coupable, contre les habitants qui eux ne souhaitent pas que leur quotidien soit chamboulé par des révélations compromettantes.
Et 1975, où nous voyons une Amérique prospère, au milieu d’une petite ville où tout le monde se connaît, où les ragots vont bon train, où l’on salue l’unique gendarme du village de bord de mer. Ce temps là, est beaucoup plus malléable, nous y avons accès uniquement par les souvenirs des personnages qui conte à Marcus, leur vie, plus ou moins romancés pour s’innocenter des relations ou des zones ambiguës de leur passé. Ainsi, ce temps n’a aucune prise et parfois même Marcus tente d’imaginer ce qu’ont pu vivre les habitants, en fonction de ce qu’ils lui ont dis, lui même tentant de faire la part des choses. Parfois nous retrouvons des passages déjà cités, qui varient légèrement ou du tout au tout, en fonction des nouveaux éléments apportés. Ces détails, sont très importants pour la continuité de l’enquête et c’est agréable de voir ceci sous nos yeux, ainsi le lecteur à vraiment l’impression de participer.
La vérité est également un point important du livre, en effet comme le dit l’auteur, la vérité est très malléable, notamment dans les grandes affaires incluant une personne renommée, comme l’affaire DSK pour ne pas la citer, où l’on voit en boucle une image, toujours la même. C’est ce qui motive le personnage de Marcus, qui est perpétuel quête de vérité, mené par l’amitié, il est donc dans l’affaire, un élément avec une vision subjective. Concernant ce dernier point, c’est très intéressant de voir le personnage évoluer et se demander si finalement, son ami ne lui à peut-être pas tout dit sur sa vie. Mais qui n’a pas son petit jardin secret ?
La notion de succès est exploré dans l’intrigue, à travers les deux personnages principaux. Pour Marcus, le succès rime avec frivolité, mais surtout pression au moment où il doit produire un nouveau texte. Au contraire de Harry Quebert qui incarne ici, le sage, le maître apprenant à son élève comment écrire, comment aborder son inspiration. La relation maître / élève est d’ailleurs quelque peu brouillée, puisque Harry semble plus un ami qu’un professeur, et Marcus plus un fils qu’un étudiant.
A travers cette relation, Joël Dicker, exprime différentes visions de l’écriture, et de ce qu’elle peut apporter dans la vie. Pour Marcus, l’écriture est un actes difficile et long, tandis que pour Harry, son inspiration est montré simple porté par l’amour de Nola.
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» Votre chapitre 2 est très important, Marcus. Il doit être incisif, percutant.
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Comme quoi, Harry ?
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Comme à la boxe. Vous êtes droitier, mais en position de garde c’est toujours votre point gauche qui est en avant : le premier direct sonne votre adversaire, suivi d’un puissant enchaînement du droit qui l’assomme. C’est ce que devrait être votre chapitre 2 : une droite dans la mâchoire de vos lecteurs. » ( p. 41 )
Ce qui est particulièrement appréciable c’est qu’à chaque début de chapitre, des dialogues entre Harry et Marcus sont insérés, évoquant la littérature. Ainsi les chapitres vont de 31 à 1, dans l’ordre décroissant, et ces dialogues sont les 31 points importants sur la littérature, la boxe et la vie, que Harry apprenf à Marcus. Les différents points sont des sortes de mantras, qui font réfléchir, et l’on ne peut que se demander si l’auteur ne les a pas suivis finalement. Mais il le dit lui-même, »c’est un livre au »je », mais le »je » n’est pas moi. » Il souhaitais de la distance, d’où les Etats-Unis, »il y a 600 km entre mon »je » et l’autre »je » qui est Marcus. » Mais l’ambiguïté persiste toute de même lorsque Marcus explique ce que Harry imagine comme le »paradis des écrivains » qui est » lorsque le pouvoir d’écrire se retourne contre vous. Vous ne savez plus si vos personnages n’existent que dans votre esprit ou s’ils vivent réellement. » ( p. 565 ), puisque Joël Dicker fait exactement la même chose : il à un rapport physique au livre, il explique que ses personnages vivent dans sa tête, il leur a inventé un passé et un caractère. C’est la manière que le metteur en scène, Stanislavsky faisait réaliser à ses acteurs. Ce qui est à mettre en relation avec le fait qu’il est fait le Cours Florent, ces cours ont donc influencés son écriture.
Interrogé sur ces notions, Joël Dicker explique qu’il n’aurait jamais écrit se livre si son autre écrit n’avait pas essuyé des refus, car il à voulu écrire quelque chose de différent, et que »le plaisir à écrire un livre, c’est quelque chose que l’on ne pourra pas me prendre », voilà son rapport à l’écriture. Il commente que »c’est un appel qui devient un gouffre dans lequel on plonge avec bonheur ». Pour écrire, il à besoin d’observer, pour créer des personnages divers et variés, mais qu’il faut se méfier des apparences. Il pense au lecteur, mais surtout à lui en tant que lecteur : »Le moi lecteur m’a dit ce que je devais écrire ».
Pour la question du succès qu’il a reçu, pour lui le prix de l’Académie Française, est un espoir pour la jeune génération comme lui, et le prix du Goncourt des Lycéens, montre le chemin. Mais il faut toujours rester humble par rapport au succès. Pour lui, la pression n’est pas là, car tout reste à faire.
Ce qui est intéressant, c’est que l’auteur s’est servis du thème de la littérature pour évoquer les soucis du quotidien : en effet, dans ce livre, il n’est pas uniquement question de savoir si Harry est innocent, ou comment Marcus va écrire son livre, mais comment il va vivre avec tout cela. En effet, Harry à travers ses cours ne veut pas seulement que Marcus arrive à écrire un livre complet et compétant, mais surtout qu’il apprenne la vie : » Apprenez à aimer vos échecs, Marcus, car ce sont eux qui vous bâtiront. Ce sont vos échecs qui donneront toute leur saveur à vos victoires. » ( p. 411 ) Nous ne pouvons nous empêcher de nous demander si Harry ne donne pas tout ses conseils car lui n’a pas su les appliquer à sa vie.
Les personnages secondaires sont une belle galerie d’habitants de la petite ville d’Aurora. Chacun à son caractère, nous retrouvons évidement le flic du village, le fameux diner dans lequel tout le monde vient manger un bout, et bien évidement les petits ragots qui tournent dans une ville où tout le monde se connaît. Cela donne une vérité à l’intrigue, une substance plus sombre et plus gluante, comme si à chaque nouveau détail, celui-ci était sur le point de se fondre avec les contradictions des habitants.
L’humour y à aussi sa place car nous retrouvons le cliché de la mère de Marcus, qui est une mère-poule en puissance et interprète à sa manière chaque mot que dit son fils. Cela donne une touche de légèreté à l’histoire.
L’intrigue est particulièrement bien menée, l’attention du lecteur est sans cesse renouvelée sur certains points. J’ai beaucoup appréciée le fait d’avoir les deux époques, qui nous font percevoir les personnages sous différents jours. Les sujets d’actualités sont énormément présents et donnent matière à réfléchir à notre contexte économique et notre manière de fonctionner humainement parlant.
En conclusion, un livre complet, une intrigue sans cesse en mouvement, des personnages bien construit et une écriture très fluide et touchante. Un coup de cœur magistral ! Et comme le dit Gérard Collard, »C’est le genre de livre qui est tellement complet qu’on pourrait passer des heures à le raconter ». Pour laisser un dernier mot à l’auteur : »Le livre à du sens suivant le sens qu’on lui donne… »
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Points positifs : une vraie réflexion sur des sujets d’actualité, une enquête rocambolesque mais réaliste à 100 %, des personnages bien construits et un auteur accessible.
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Point négatif : parfois certains personnages vers la fin sont un peu laissés de côtés
L’auteur :
Joël Dicker est né à Genèves en 1985.
A l’âge de 19 ans, assez peu stimulé par l’école, il s’offre une parenthèse au Cours Florent à Paris, avant d’étudier finalement le droit à l’Université de Genève, d’où il sortira diplômé en 2010.
Il fait ensuite ses premiers pas d’écrivain. Une première nouvelle, Le Tigre, est primée en 2005 dans le cadre du Prix International des jeunes auteurs et publiée dans le recueil des lauréats, aux éditions de l’Hèbe (Suisse).
Après quelques essais, il écrit Les derniers jours de nos pères, un roman qui raconte l’histoire véritable et méconnue du SOE, une branche noire des services secrets britanniques qui ont notamment formés les résistants français durant la Seconde guerre mondiale. Courant 2010, il soumet Les derniers jours de nos pères au Prix des écrivains genevois, un important prix décerné tous les quatre ans pour le roman, et qui récompense des manuscrits uniquement. A sa grande surprise, Joël reçoit le prix en décembre 2010. Joli signe de reconnaissance, l’Ambassade de Suisse à Paris célèbre le livre à l’occasion de l’anniversaire du débarquement. Puis, quelques semaines plus tard, le Général Ract-Madoux, chef d’Etat-Major de l’Armée de Terre française décerne aux Derniers jours de nos pères une mention spéciale du prestigieux Prix Erwan Bergot, remise lors d’une cérémonie aux Invalides.
Mais depuis début 2010, depuis qu’il a terminé Les Derniers jours de nos pères, Joël est plongé dans l’écriture d’un nouveau roman, plus contemporain. C’est une envie de longue date : écrire un roman américain, long et haletant. Il reprend chacun des retours qu’il a eu pour le manuscrit des derniers jours de nos pères et décide de retravailler son style. Quant à l’Amérique du Nord, il la connaît bien : enfant il a passé tous ses étés en Nouvelle-Angleterre. Après deux ans de travail acharné, le manuscrit « américain » et ses 670 pages est achevé en mai 2012. Il s’intitule La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert.
Une superbe chronique pour un excellent roman! =)
Merci beaucoup, cela me va droit au coeur =) Je suis bien d’accord, un roman superbe et complet !
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Ce roman est une petite pépite, je l’ai tellement adoré. Même si j’en ai lu plusieurs autres de Dicker (que j’ai tout autant aimés), celui-ci aura toujours une place particulière car c’est le premier…celui qui m’a fait découvrir l’auteur.
Je me souviens de l’été où je l’ai lu, sur la terrasse chez mes parents, je l’ai dévoré !