Titre : L’annonce faite à Marie
Auteur : Paul Claudel
Edition Folio Théâtre, réédition en 2010 ( édition originale en 1948, chez Gallimard )
Genre : Théâtre
» Car à celui qui souffre, les consolations d’un consolateur joyeux ne sont pas de grand prix, et son mal n’est pas pour nous ce qu’il est pour lui. » ( p.44 )
Résumé :
» Après deux premières versions sous le titre La jeune fille Violaine, L’Annonce faite à Marie (1912) a encore été reprise par son auteur tard dans sa vie. Ce »mystère en quatre actes et un prologue », à l’action mystérieuse, raconte l’ascension vers la sainteté de Violaine, lépreuse par charité (c’est le baiser à l’architecte Pierre de Craon), persécutée par les siens, et notamment par sa sœur Mara, abandonnée par son fiancé, et qui accomplit un miracle, sauver l’enfant de sa sœur, sans échapper pour autant à sa haine. La jeune fille, imitation de la Vierge Marie, exprime le mystère de la souffrance et de la destinée. Claudel y a mis son expérience de l’amour impossible, de la foi, et du rythme à la fois poétique et théâtral. »
Mon avis :
L’annonce faite à Marie est la deuxième version de La jeune fille Violaine, écrite en 1892 et retouchée jusqu’en 1948. Même si il n’a pas envie d’être dans la lumière, il va l’a retoucher pour qu’elle soit adapté au théâtre de son temps, en une version plus directe et dépouillée.
L’histoire semble détaché en apparences de tout contexte historique puisque c’est un Moyen-Age imagé, mais certaines références aux épisodes de l’Histoire sont présentes.
Le contexte historique du Moyen-Age est restitué de façon cohérente, même si le monde décrit n’appartient pas à une historicité propre, ce n’est qu’un monde imagé. La place de la femme est inexistante, Anne Vercors est la figure du père tout puissant, qui est le seul juge.
» Jacques, tu es l’homme que j’aime. Prends-la. Je te donne ma fille Violaine ! Ôte-lui mon nom, aime-la, car elle est nette comme l’or. Tous les jours de ta vie, comme le pain dont on ne rassasie pas. »
Dans la formulation de la phrase, nous voyons que le père est celui qui choisi, c’est lui qui aime Jacques, et non Violaine, comme elle le dira à la page suivante : »Vous voulez de moi, Violaine ? » ce à quoi elle répond : »C’est le père qui veut. »
La religion à également une part d’importance dans la pièce : Claudel pour la première fois sur scène mais en lumière la résurrection des corps, qui n’était dans le théâtre classique jamais représentée mais faisait office de légende. Un religieux est affiché pour prouver que le monde existe et est relié par Dieu, ce qui est révélé par la totalité du théâtre de Claudel, qui englobe au même titre que les acteurs, des signes de vies telles que le bruit des cloches, le chant des prières résonnent ici avec une force spectrale. Cela peut déranger un lecteur du 21eme, peut habituer à un étalage de spiritualité, mais il est forcé de s’abaisser devant cette écriture qui englobe tout, les bruits et les sons, aussi puissante que le dialogue des personnages, inédite pour l’époque.
Le titre L’Annonce faite à Marie, est l’attente d’une annonce spirituelle pour tous les personnages. Le critique Michel Autrand, explique que »Ses personnages ont la robuste simplicité des types primitifs aisés à identifier et à comprendre. Leur nom d’abord les définit, un véritable nom-programme qui dit et ce qu’est le personnage et ce qu’il va faire pour le remplir. » Pour lui, la fonction du personnage n’est pas de nous offrir de la surprise mais de nous donner à voir ce que nous attendons de lui. Par exemple, le prénom de Violaine, évoque »violence » et »viol », infligé et subit, ce que nous nous attendons donc à voir sur scène.
Violaine est une femme innocente et vertueuse car elle retient Pierre de Craon, l’architecte lépreux, malgré tout en dépit de ce qu’il a fait. Acte dont nous ne connaissons pas la nature, mais dont le spectateur ou lecteur comprend qu’une jeune fille vertueuse devrait s’enfuir devant ce personnage. Elle va jusqu’à l’embrasser, ce qui est une forme de sacrifice car elle lui ôte le mal en l’embrassant, c’est un miracle, qui fait écho à l’Antiquité et l’expiation des fautes par le chant du bouc sacrifié, l’auteur revient donc aux origines du théâtre.
Mara, la petite sœur de Violaine, est un dérivée de Marie, et en latin Marra signifie malédiction. C’est l’inverse de Violaine, toute les deux se rebelles contre la société, mais d’une façon différente, Violaine incarne une rébellion céleste et Mara plus terrestre par le refus des lois, ce sont deux facettes d’une seule et même figure, ce qui est représenté par le fait que la présentation du personnage de Mara, fait écho à celle de Violaine. Elle se présente de la même façon que sa sœur.
L’obsession du corps des malades est également présente, c’est une préoccupation, une angoisse de la fin du 19eme. Mal psychique et physique, incarné ici par Pierre de Craon, et l’issu mystique pour le personnage face au pourrissement du corps, est un écho à Freud, car par le jeu on met à distance le mal. Bénéfice du théâtre.
Claudel lui-même explique qu’il s’est largement inspirée de sa famille et de sa région natale pour les personnages de cette pièce. En effet, on peut faire correspondre les personnages d’Anne Vercors, et d’Elizabeth, les parents de Mara et Violaine, comme les parents Claudel. Par contre, le personnage de Mara et de Violaine, emprunte des caractères aux deux sœurs de Paul Claudel, Louise et Camille. Car Violaine fait le sacrifice de s’éloigner et de laisser l’homme qu’elle aime à sa sœur. Violaine à la lèpre et vie recluse, tout comme Camille, qui à été internée et éloignée de sa famille.
L’écriture de Claudel, est un dialogue avec des propos simples, mais sous forme poétique avec des retour lignes et majuscules. Le style de l’auteur fait écho à son mysticisme, la forme poétique est présente par les prières énoncés par les personnages, et au sein même des paroles des protagonistes qui font des comparaisons avec le monde religieux. Mais parallèlement à cela, les paroles des personnages sont assez ambiguës, parce que d’un côté ils évoquent la foi à chaque mot avec des envolées lyriques, et parfois ils ont un langage assez familier. J’ai été assez désarçonnée de ce changement de ton, qui pour moi n’avait pas de cohérence. Certes ils vivent à la campagne, mais ils sont bourgeois, ont des terres et sont cultivés, cela ne correspondait pas, selon moi.
Les silences sont très présent, et incarnent des impasses du dialogue où souvent les personnages se comprennent beaucoup plus, paradoxalement.
En conclusion, une pièce très atypique, je n’avais jamais lu Claudel et si la force du récit m’a touchée, l’écriture m’a trop souvent laissée de côté par une spiritualité trop présente.
L’auteur :
Paul Claudel naît en province, au cœur d’une famille bourgeoise. Cette dernière s’installe dans la capitale en 1882. Claudel suit alors de brillantes études et se passionne pour la littérature dès l’adolescence. Très influencé par Rimbaud, son oeuvre sera également marquée par la foi catholique, dont il reçoit la révélation en 1886, le jour de noël. Il écrit son premier drame, Tête d’or en 1890. Trois ans plus tard, il sort premier au concours des Affaires étrangères. Commence alors une vie de diplomate. Il se rend aux Etats-Unis dès 1893, où il rédige L’Échange puis en Extrême-Orient. Il puise dans ses voyages une grande inspiration poétique (Connaissance de l’Est, Cinq grandes Odes). De retour en Europe, il poursuit sa carrière diplomatique sans négliger ses productions littéraires. Il publie jusqu’en 1920 une trilogie sur la société de l’époque comprenant l’Otage, le Pain dur et le Père humilié. Alors ambassadeur de France au Japon, il écrit le Soulier de Satin. Élu à l’Académie française en 1946, il consacre le reste de sa vie à l’étude de textes bibliques.
Source : http://www.linternaute.com
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