Titre VF : En finir avec Eddy Bellegueule
Auteur : Édouard Louis
Editions du Seuil, 2014.
Genre : Littérature contemporaine, autobiographie
» De mon enfance je n’ai aucun souvenir heureux. » ( p.13)
Résumé :
« Je suis parti en courant, tout à coup. Juste le temps d’entendre ma mère dire Qu’est-ce qui fait le débile là ? Je ne voulais pas rester à leur côté, je refusais de partager ce moment avec eux. J’étais déjà loin, je n’appartenais plus à leur monde désormais, la lettre le disait. Je suis allé dans les champs et j’ai marché une bonne partie de la nuit, la fraîcheur du Nord, les chemins de terre, l’odeur de colza, très forte à ce moment de l’année. Toute la nuit fut consacrée à l’élaboration de ma nouvelle vie loin d’ici. »
En vérité, l’insurrection contre mes parents, contre la pauvreté, contre ma classe sociale, son racisme, sa violence, ses habitudes, n’a été que seconde. Car avant de m’insurger contre le monde de mon enfance, c’est le monde de mon enfance qui s’est insurgé contre moi. Très vite j’ai été pour ma famille et les autres une source de honte, et même de dégoût. Je n’ai pas eu d’autre choix que de prendre la fuite. Ce livre est une tentative pour comprendre.
Mon avis :
Jamais je ne me serai tournée vers ce livre sans le concours du Prix du Roman des Étudiants, 2104, première édition. 10 auteure en compétitions, 10 auteurs dont Edouard Louis, premier roman que je lis de la sélection, m’a fait une impression tellement forte qu’il sera sans aucun doute dans mon top 3 !
L’histoire est véritablement d’actualité, mais Edouard Louis n’a pas imaginé cette fiction au allures de plaidoyer contre l’injustice d’une époque, non, l’auteur ne cache pas que sa vie à réellement influencé ce roman, qui tient plus d’une confession, d’une autobiographie que d’un récit fictionnel. En finir avec Eddy Bellegueule, est un récit pour en finir avec le patronyme qui l’a vu grandir, engoncé dans un corps aux allures féminins plus que masculin, dans un petit village de Picardie, dans les années 90 – 2000, qui est attaché aux valeurs, très conservateur, ne voulant pas la différence marqué, Eddy Bellegueule fait office d’ovni dans le patrimoine de la petite ville.
» J’ai voulu montrer ici comment ma fuite n’avait pas été le résultat d’un projet depuis toujours présent en moi, comme si j’avais été un animal épris de liberté, comme si j’avais toujours voulu m’évader, mais au contraire comment la fuite a été la dernière solution envisageable après une série de défaites sur moi-même. » (p.197)
L’auteur décrit un milieu populaire miséreux, qui est une réalité en Picardie contrairement à ce que certaines maisons d’éditions on cru, expliquant à Edouard Louis que le trait était trop forcé. Malheureusement, le trait n’est en aucun cas dans l’excès, c’est un choc pour le lecteur mais c’est belle et bien la réalité que nous décrit l’auteur. La réalité de ce petit village qui vie dans une misère que l’on s’efforce de cacher, où l’on veut sauver les apparences face aux voisins, mais ceux-ci sont dans la même situation. C’est au sein de ce milieu populaire qu’Eddy Bellegueule se construit, ou plutôt tente de se construire sous le signe d’une identité volée, d’une identité copié sur ses voisins, puisque très tôt il sait qu’il est différent et veut résorber cela.
Les personnages du roman sont composés des proches et des voisins d’Eddy dont il se met à l’écart, chacun est développés sauf le narrateur lui même qui est en filigrane par rapport aux autres personnages. Ils sont détaillés mais le lecteur comprend que dans ce village les comportements sont régis par la reprise des codes de génération en génération, et les personnages eux-mêmes sont les pareils, seuls l’âge changent : les femmes ont des enfants jeunes, et se marient avec des garçons du village et restent donc là où leur parent habitent. Les hommes dès la sorti du lycée vont à l’usine, pendant que leurs épousent restent à la maison, s’occupant des enfants et des potins.
Seuls Eddy fait office d’ovni dans le paysage très réglé de ce petit village…
Le style de l’auteur est une vraie prouesse esthétique, selon moi. En effet, son âge pourrait jouer en sa défaveur, mais là, force est de constater que l’écriture d’Edouard Louis est une véritable trouée dans le monde littéraire ! C’est par un tour de force qu’il réussi à se faire une place dans le haut du panier des écrivains à suivre. Son écriture est incontestablement un plus dans l’histoire, elle est douce-amère par le fait que le personnage est un enfant, mais porté par le regard d’un adulte, qui est souvent un œil critique et peu amène sur le »soi » de l’enfance. Plus violente dans le fait que le personnage développe tous les protagonistes de son entourage, à la manière d’un sociologue, il se place à l’écart de sa famille, afin de montrer qu’il est, et surtout, qu’il se sent, à part, mais qu’il voudrait plus que tout au monde ne plus être de côté.
Dans La Grande Librairie, Edouard Louis, exprime le besoin qu’il avait de mettre des mots, d’exprimer par des mots crus, pour pouvoir faire face à ce qu’il a vécus. Cette violence pour apaiser la douleur et la colère. Mais également, un langage violent et cru du milieu sociale duquel il est issu. Une approche sociologique là encore, d’un point de vu interne, pour »ne pas trahir la violence de ce monde là. »
En conclusion, un roman d’une rare violence portée par une écriture douce-amère qui prend littéralement aux tripes ! Un beau roman d’actualité, écrit par un jeune auteur dont on pas fini d’entendre parler…
L’auteur :
Édouard Louis a 21 ans. Il a déjà publié Pierre Bourdieu: l’insoumission en héritage (PUF, 2013). En finir avec Eddy Bellegueule est son premier roman.
Source : http://www.seuil.com
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J’avais vu ce livre dans le magazine ELLE, et j’ai vu une interview de l’auteur au journal sur la 2. Maintenant, avec ta chronique en plus, je ne résiste plus à l’envie de l’ajouter à ma wish list 😉
Ah oui il faut vraiment que tu le lises, je pense que c’est un livre qui pourrait te plaire. Un récit violent, et de plus si tu es déjà renseignée sur l’auteur et que tu as vu des interview c’est vraiment à lire ! =)
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