Titre VF : La petite communiste qui ne souriait jamais
Auteure : Lola Lafon
Editions Acte Sud, 2014
Genre : Biographie, historique, littérature contemporaine
» On convoque les éléments : nage-t-elle dans un océan d’air et de silence ? On repousse le sport, trop brutal, presque vulgaire en comparaison de ce qui a lieu, on rature, on recommence : elle ne sculpte pas l’espace, elle est l’espace, elle ne transmet pas l’émotion, elle est l’émotion. »
Résumé :
» Retraçant le parcours d’une fée gymnaste, qui, dans la Roumanie des années 1980 et sous les yeux émerveillés de la planète entière, vint, en son temps, mettre à mal guerres froides, ordinateurs et records, ce roman est le portrait d’une enfant, puis d’une femme, évadée de la pesanteur, sacralisée par la pureté de ses gestes et une existence intégralement dévolue à la recherche de la perfection. En mettant en exergue les dévoiements du communisme tout autant que la falsification, par les Occidentaux, de ce que fut la vie dans le bloc de l’Est, ce récit, lui-même subtilement acrobate, est aussi une passionnante méditation sur l’invention et l’impitoyable évolution du corps féminin. »
Mon avis :
L’histoire est celle d’un championne pour qui l’impensable est normal. Nadia Comaneci qui en 1976, obtient un 10 en gymnastique : l’histoire du sport est en marche, et celle de la Roumanie aussi.
L’image de la Roumanie, car c’est bien de cela dont il est question finalement en fil rouge de ce roman, peut-être bien plus que Nadia C, elle même, c’est encore plus la façon dont cela s’est produit, le contexte. Lola Lafon a vécu en Roumanie et a été une petite-fille qui admirait les exploits de Nadia. Son objectif en écrivant ce livre était de »redonner la parole à celle qui a été un corps », tout en s’éloignant finalement de la véritable Nadia C, puisque son personnage principal »est une autre, c’est un être de fiction ». Malheureusement, je n’ai pas perçue le point de vu d’une personne ayant vécu en Roumanie, mais bien de quelqu’un de l’Ouest qui se faisait une opinion fantasmée, erronée, de l’Est, véhiculée par les médias de l’époque, comme le dit Nadia l’être fictif, à cette narratrice qui tente de reconstituer son histoire. Était-ce l’objectif de Lola Lafon, nous faire découvrir un pays dont le mystère demeure et demeurera entier encore, un pays qui est une illusion même pour ses habitants ?
Les personnages sont mystérieux à souhait, mais malheureusement ce n’est pas ce que je recherchais dans cette lecture. J’aurais souhaité des réponses, le comportement de Belà l’entraineur ou celui de Nadia, mais plus nous avançons dans l’histoire , plus leurs actions sont incompréhensibles, de cet œil extérieur comme si le lecteur était un simple spectateur. Finalement nous n’apprenons pas vraiment autre chose que ce qu’on lierait dans une biographie. Je ne connaissais pas Nadia C, je l’ai découverte avec La petite communiste qui ne souriait jamais, mais pas comprise. Peut-être ai-je demandé trop à cette intrigue, la volonté de Lola Lafon n’était éventuellement pas de nous immiscer dans le cerveau de Nadia, mais bien plus le parcours fabuleux et invraisemblable de cette gymnaste, le destin hors-du-commun de cette jeune-fille qui devient le porte-parole d’une nation, qui devient contre son gré le symbole de la liberté de l’Est, une liberté illusoire. Pour Lola Lafon, Nadia est »une extrapolation de la fin d’une Europe, une extrapolation de ce que vivent toutes les femmes… »
Le style de l’auteure est malgré les sentiments distillés au récit, assez froid et ambiguë. Lorsque Lola Lafon souhait montrer une autre facette de Nadia C, elle ne nous l’a présente que sous un jour froid et calculateur, alors que le public ne l’a connaissait que comme distante face à tout ce qui était extérieur à son métier. Finalement, son écriture ne nous attache pas à Nadia C comme on le souhaiterai, dût aux échanges fictifs qu’elle insère dans son intrigue. Le lecteur ne sait pas si c’est réellement ce qu’aurait répondu la principale interessée et même si on se prend au jeu des questions-réponses de Nadia et Lola, jamais on n’entre vraiment dans l’esprit de cette gymnaste. (Malgré tout le lecteur est prévenu, un avant-propos explique que tous les dialogues entre l’auteure et Nadia sont fictifs.)
En conclusion, une biographie-fiction que Lola Lafon confie aux lecteurs. Malheureusement, je n’ai pas adhéré à la façon dont elle nous présente l’histoire de cette gymnaste, entre fiction et réalité, par une écriture que j’ai trouvé trop extérieure et un sentiment d’inexactitude sur les pensées de Nadia C, sans cesse présent à l’esprit.
Tu n’as pas eu l’air plus emballée que ça! Je pense que je vais passé mon tour, le sujet ne me tente pas trop…
Malheureusement non, mais comme je dis, je ne pense pas avoir pris le livre comme il le fallait.
dommage que tu n’es pas trop accroché! Je pense que je le lirai à l’occasion, pour me faire mon opinion mais je dois dire que ton billet ne m’encourage pas trop…
Je pense oui qu’il faut se faire sa propre opinion, c’est un livre qui peut être pris dans divers sentiments et chacun va y entrer différemment.
Je me permets d’intervenir pour recommander de ne pas s’en tenir à la déception qui peut advenir si l’on s’attendait à être en empathie avec Nadia C. dans le livre. Plus qu’un portrait de la Roumanie de l’époque, je dirais que le propos de Lola Lafon est de nous faire réfléchir sur la façon dont nous aimons (nous, société contemporaine, de l’Ouest comme de l’Est, dominée par les médias) transformer les gens en symbole. Et songer combien imposer ce rôle d’enfant parfaite peut être pervers et destructeur. Effectivement, personne ne sait vraiment qui est Nadia, car elle est devenue un pur condensé de fantasmes (la rédemptrice de l’Est, la réussite du modèle soviétique, le corps soumis à la volonté, l’érotisation infantile et j’en passe). Je n’insiste pas, mais j’en dis plus ici : http://lilylit.wordpress.com/2014/03/22/la-petite-communiste-qui-ne-souriait-jamais-anatomie-dun-symbole/
Merci de cette intervention, je voulais faire passer dans mon avis les sensations que j’avais eu à la lecture de ce livre, cette ambivalence que l’on peut ressentir à vouloir être en empathie avec le personnage de Nadia et finalement cette impossibilité. Mais je suis d’accord que ce n’est pas le portrait qui importe si je puis dire, mais bien plus ce qui ce cache entre les mots, entre les faits.
Plus je lis des avis plus je ne sais pas quoi penser de ce livre. J’ai peur de ne pas accrocher mais en même temps je me dis que je passe peut être à côté d’un bon livre.
Je pense que c’est un livre dont il faut se faire sa propre opinion, chacun va y voir des choses particulières.
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J’ai entendu parler de ce livre par une lectrice enthousiaste il y a peu, cela m’avait donné envie de découvrir ce livre. Même si je risque également d’en ressortir mitigée, ton avis m’aura peut-être permis de ne pas attendre du livre quelque chose qu’il ne peut pas me donner. S’il croise mon chemin, je tenterai quand même cette lecture, je suis trop curieuse à son sujet, je crois 🙂
Je pense en effet que c’est ce qui a finalement gâché ma lecture, je voulais découvrir autre chose que ce que j’y ai lu. Mais c’est le risque avec les livres… En tout cas, je ne regrette vraiment pas d’avoir découvert cette histoire, et vraiment je te l’a conseille, c’est quelque chose de très personnelle ce livre…
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