La lecture : François Busnel, rentrée littéraire, qu’est-ce que la lecture ?

Cette intervention de François Busnel sur le plateau de France Inter m’a donné le souhait de vous parler de lecture en cette période de rentrée littéraire. Un article qui va certainement enfoncer des portes ouvertes, mais j’avais envie d’évoquer avec vous, un peu plus intimement que je ne l’ai fait jusqu’à présent ici, ma vision et mon rapport à la lecture. Je souhaite que cet article soit un échange entre nous mais également entre vous, car c’est ensemble que l’on s’enrichit.

Lorsque François Busnel parle de ce que La grande librairie est pour lui, il évoque qu’il souhaite rassembler des gens autour de la lecture, habitués mais surtout novices de cette pratique.

C’est également cet aspect qui m’a poussée vers la création du blog. Je voulais découvrir mais aussi amener ceux qui ne lisent pas ou peu, vers des horizons différents. C’est aussi à cela que je pense lorsque j’exerce mon métier de libraire. Une personne qui franchit le seuil d’une librairie fait un premier pas, à nous, libraires, de leur proposer des univers. J’aime ce défi, parce que peut importe, au final, quel livre, quel genre ou quel auteur, c’est toujours de la lecture. Je n’aime pas les idées reçues sur ce que l’on devrait lire et aimer. Chacun est libre de se diriger vers le livre qu’il souhaite, qu’il soit une romance, un essai ou un thriller. Il n’y a pas de  »sous-genre » en littérature, il faut arrêter de cloisonner certains types de lectures et de lecteurs d’ailleurs. La lecture est un des seuls loisirs où une multitude d’univers s’offrent à nous, il est triste d’en dénigrer certains sous prétexte qu’ils ne sont pas qualifiés de  »littérature » par certaines élites. Pour moi, tout ce qui est écrit est  »littérature », tout ce qui peut être lu est  »lecture ».

Cette pratique est de plus en plus marginalisée et dite  »féminine ». Je n’aime pas ce cliché, même si il est en partie vrai, des hommes lisent et j’aimerai qu’ils soient plus nombreux, c’est à eux aussi que je m’adresse sur le blog ou en boutique. La lecture ne doit pas être genrée, elle doit fédérer.

Je trouve l’idée de lecture à voix haute dont parle Busnel, très importante également. Enfant, je n’aimais pas lire dans ma tête, je chuchotais, et, seule, dans ma chambre, je lisais à haute voix. J’aimais, juste avec les intonations, me sentir plus proche des personnages et ressentir plus intensément leurs sentiments. J’ai ensuite fait du théâtre où cette forme de lecture est bénéfique et très utile. Aujourd’hui encore, à l’occasion, je me surprends, au cours de ma lecture, à vouloir faire surgir ma voix.

Le dernier en date est Rompre de Yann Moix, un texte écrit sous forme d’interview, qui se prête d’ailleurs plutôt bien à cet exercice. Mais c’est le travail de l’auteur sur les mots, les sons, les synonymes, les ruptures et les répétitions qui m’ont donné envie de mâcher le texte, de le travailler en bouche, de l’expérimenter. Je me suis même étonnée à me lever du canapé, pour traverser la pièce, livre en main, comme sur une scène de théâtre.

Les essais me font également cet effet. Lorsqu’un texte évoque des principes un peu complexes ou qui demandent concentration, la prise de parole dans l’espace est, pour moi, plus simple pour se l’approprier. Chacun doit trouver sa façon de lire ou plutôt ses façons de réagir face à un texte.

Remettre cette pratique au goût du jour et cesser de la percevoir comme quelque chose d’un peu idiot est, je trouve, importante. En effet, on ne parle pas assez de l’effet bénéfique d’une bonne diction, du pouvoir inégalable de réussir à contrôler sa voix même éperdu d’angoisse.

Son opinion sur la venue de Yann Moix dans l’émission de Ruquier On n’est pas couché, samedi 31 pour leur épisode de rentrée, est d’ailleurs très pertinente. Je l’ai évoqué dans les commentaires de l’article sur Orléans. La totalité de l’interview de Moix fut centrée sur ses réponses, ou plutôt son soliloque d’excuses, face aux polémiques sur ses caricatures ( et non dessins ou bandes-dessinées ), antisémites et négationnistes ainsi que sur ses relations avec l’extrême droite. Mais pas de place pour le livre. Aucunes questions sur le texte alors que le sujet qui réunissait les invités était la notion, encore nouvelle, d’autofiction. Point de réponse, juste une petite intervention de Adèle Van Reeth, qui a tentée de remettre le livre au cœur du débat, sans succès. Il était d’ailleurs pénible, même pour le spectateur, d’écouter Yann Moix, ce soir-là, mettant mal à l’aise son auditoire.

Le pire fut lorsque le secrétaire général d’état de la protection de l’enfance fit son entrée. Il était question de littérature, de transformations de la vérité en œuvre de fiction et non d’autobiographie. Je tiens a rappeler que Grasset à bien titré  »roman » sur la jaquette. Orléans aurait été une autobiographie, bien évidemment que la présence de ce monsieur aurait été indispensable, mais là elle n’avait aucune raison d’être.

Nous n’étions pas là pour les polémiques, encore moins pour savoir si il avait vraiment vécu tout cela ou non, mais pour le travail littéraire ! Son refus, désormais de toute promotion, aura tué dans l’œuf toute tentative de parler du texte. Dommage.

Et je crois que la littérature contemporaine souffre, en ce moment, tout comme le débat politique de polémiques qui font parler de façon stérile et qui éloignent des vrais sujets.

Je voulais revenir sur certaines petites choses qui me paraissaient essentielles en ces temps de rentrée littéraire où cette pratique est remise en avant, mais parfois malheureusement, trop cloîtrée. J’aime cette période où le monde culturel est en ébullition, où la création littéraire est prisée des médias mais je la maudis également. J’aimerai que l’on ne parle pas uniquement de  »littérature blanche » mais que tous les genres soient représentés et aient leur prix littéraires. J’apprécie cette profusion de nouveautés, mais je trouve que nombreux sont les textes d’auteurs et de maisons peu connus qui n’ont pas la visibilité suffisante pour se faire une place. Je déplore mais je suis la première à les lire, les fameuses têtes d’affiches. C’est à la fois une période riche, mais elle a son pendant néfaste.

Un article qui sort des sentiers battus mais je voulais vous faire part de mes réflexions du moment. Il est important de le faire parfois, pour repartir sur de bonnes bases et se sentir plus léger.

2 réflexions sur “La lecture : François Busnel, rentrée littéraire, qu’est-ce que la lecture ?

  1. Un bel article ! Je vais écouter le podcast de l’interview de brusnel alors 👍 je ne trouve pas que l’autofiction soit très récente mais la manière de l’appréhender par le milieu littéraire/médiatique reste complexe. J’aime aussi la rentrée littéraire pour ce bouillonnement intellectuel même si cette constante quête de nouveauté me laisse perplexe par moment…

    • Merci de ton commentaire ! Il est vrai que le mot  »autofiction » devient assez fourre tout en ce moment et il mériterait une définition plus claire. Je suis un peu dans cette ambivalence en ce moment : d’un côté je m’interroge beaucoup sur ma façon de consommer en général et les livres également mais je suis attirée par cette profusion de nouveauté. Difficile d’y voir claire, il faut de la réflexion… Comme pour tous les autres domaines de la vie. J’espère que la vidéo de Busnel t’aura plus, dès qu’il parle, j’ai envie de me plonger dans un bon livre. Il incarne pour moi, ce qu’il y a de plus simple et d’essentiel dans la culture littéraire en ce moment !

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