Titre VF : Zone grise
Autrice : Loulou Robert
Editions Flammarion, 2020.
Genre : Témoignage, Féminisme
» Tout n’est pas perdu.
Il faut éduquer, prévenir, protéger.
Je repense à D et aux autres.
A eux aussi, il faut apprendre.
Filles. Garçons.
Tout part de là. »
Résumé :
» «Je suis face à mon père et je raconte l’histoire de celle qui ne voulait pas. Celle qui n’a pas dit non une seule fois. Celle qui ne s’est pas débattue. Ils me diront : pourquoi tu n’as pas dit non ? Pourquoi tu n’es pas partie ? Pourquoi tu l’as revu après ? Pourquoi tu as menti ? Pourquoi tu en fais un drame ? Pourquoi tu fais toujours des drames ? Certains penseront que je fais des histoires pour rien. Pour moi, ce ne sera jamais rien. Il faut faire des histoires. Ce livre n’est pas un roman. Ce livre est un combat.»
À dix-huit ans, Loulou, alors jeune mannequin, « a une histoire » avec D, un photographe de mode. C’est ce qu’elle se raconte, parce que la réalité est trop insupportable : elle a été victime d’un prédateur, et si elle n’a pas consenti, elle n’a pas non plus résisté. Dix ans plus tard, toujours habitée par la culpabilité et la honte, elle tente de comprendre cette jeune fille qui n’a pas su, n’a pas pu dire non. Et s’attache, dans un style percutant et rageur, à effacer le gris de cette zone où rien n’est ni noir ni blanc. Au-delà de son histoire personnelle, il y a celle des filles et des garçons, de leur éducation. Parce que tout part de là. »
Loulou Robert à vingt-quatre ans lorsqu’elle publie son premier roman, Bianca, en 2016. Suivront Hope, Sujet inconnu et Je l’aime. Zone grise est son premier récit.
Chronique :
Vous vous dites certainement, encore un énième témoignage d’une femme qui se réveille au mouvement #metoo, et bien non, détrompez-vous. Si Loulou Robert conte son histoire, son viol par un célèbre photographe dont elle tait ici le nom, le nommant par l’initiale de son prénom, elle flirte habillement avec le roman contemporain grâce à son style. Vous retrouverez les phrases courtes et percutantes auxquelles elle nous a habitué avec ces quatre romans. Nous découvrons par la même que ses livres sont des morceaux d’elle, grappillés et mis bout à bout pour former des fictions adaptées de faits réels. Ce texte donne donc des réponses à l’énigmatique Loulou Robert, la mannequin devenue écrivain.
Mais au delà du simple témoignage, Zone grise porte bien son titre et questionne cette fameuse barrière que l’on tend à brandir à chaque fois que le contexte est flou. Comme elle le dit elle-même, elle n’a pas dit oui, elle n’a pas dit non. Mais son corps ne le voulait pas. Elle n’a rien formulé à haute voix, mais l’homme tout puissant en a profité. Cette zone, que l’on nomme grise, n’est pas une frontière, elle sert à excuser des situations. Mais si l’on éduquait les garçons et les filles autrement, en leur apprenant à écouter et à dire non…
Il faut que cela cesse et en écrivant ces lignes je repense à une situation qui m’est arrivé il y a peu, je ne le fais jamais, mais je vais vous confier un instant de ma vie. Lors de mon footing, je suis arrivée dans une rue déserte de mon petit village de campagne, un homme manœuvrait un camion et bloquait le passage. Tandis que je m’approche et m’apprête à contourner le véhicule, je vois ses lèvres bouger et lui me parler. J’enlève un écouteur pour l’entendre me dire »Je ne te laisserais pas passer, j’aime te regarder », j’en ai encore les mains moites et le cœur battant à vous dire cela, tant les paroles de cet homme, perché dans son camion étaient sales et dérangeantes. J’ai eu un frisson le long de l’échine et suis partie dans la direction opposée en courant plus rapidement que je ne l’ai jamais fait. Pendant tout le trajet du retour je me suis vue me questionner sur ma tenue de sport. J’ai 27 ans et j’en suis arrivée à me demander si j’avais une tenue acceptable ! Je me suis vite reprise mais lui a oublié ses paroles, tandis que moi elles résonnent encore à mes oreilles.
La situation est grave, il faut arrêter de culpabiliser les femmes, et les hommes ne doivent plus être mis sur un piédestal. Il doit y avoir des efforts sur nos comportements, pour ne pas en venir à craindre l’homme et ce dernier à se croire tout permis. Les temps sont aux changements… et immédiatement, sous peine de tous nous perdre.
C’est une vraie question. Et c’est au cœur de l’éducation des femmes d’apprendre à dire non.
Exactement c’est une question d’éducation dans les deux sens…
Je ne connaissais pas ce titre, mais j’en prends note. Dans le cadre de mes études de bibliothécaire-documentaliste, je réalise un travail sur la place des femmes dans la société. Je garde ce titre sous la main (et pour ma wishlist personnel 😉 ).
Merci pour ta chronique !
Je pense qu’il peut vraiment t’apporter de la nuance sur ce type de thème, dans la mesure où elle le dit »je n’ai pas dit oui, je n’ai pas dit non », elle parle de son histoire, de ses pensées, de son corps et de la société qui élève les garçons d’une manière différente que les filles…
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