Titre VF : Carbone et Silicium

Auteur / Dessinateur : Mathieu Bablet

Editions Ankama, 2020.

Genre : Bande-dessinée

Prix BD FNAC France-Inter 2021.

 » Mais vous étiez obligés de créer quelque chose à votre image. L’animal le plus robuste au monde est le tardigrade, tu savais ça?

Alors, à quoi bon nous faire ressembler à un presque singe imberbe ? »

Résumé :

 » – Carbone, Silicium, maintenant que l’on vous a activés, quelle est la toute première pensée que vous souhaitez partager avec nous ?

– Les humains sont le vrai problème de la planète. La seule solution est de tous les détruire.

-Qu…Quoi ?!

-On plaisante ! C’est un scénario que l’on retrouve dans 738 œuvres fictionnelles diverses, allant des films aux nouvelles littéraires en passant par les jeux-vidéo.

-Vous… Vous m’avez fait peur.

-Ne paniquez pas ! Vous savez déjà comment vous allez finir de toute façon, non ? Nous ne sommes pas là pour vous juger, vous faites bien comme vous voulez.  »

 

Chronique :

Carbone et Silicium, deux Intelligences Artificielles à qui l’on a implanté toutes les connaissances du monde, voient le jour dans un laboratoire. Lors d’une opération spéciale Silicium s’échappe, quelques années après, prévus à la destruction, la scientifique qui les a créé décide de donner une chance à Carbone, à laquelle elle s’est attachée. Elle pourra se transporter, à chaque destruction dans le corps d’une autre IA. Commence alors une quête de liberté et d’identité pour les deux robots, qui mènera le lecteur aux confins de ses croyances, dans un monde apocalyptique…

Carbone et Silicium est LA bande-dessinée SF du moment, couronnée par le prix BD FNAC France-Inter 2021, mais plus qu’une simple histoire d’humanoïdes et de fin du monde, c’est avant tout un voyage sur plus de 300 ans en quelques 270 pages, qui développe toute la complexité du sujet de l’intelligence artificielle. Un thème passionnant qui peut rebuter le grand public, qu’à cela ne tienne Mathieu Bablet, auteur et dessinateur, nous offre une véritable réflexion à grande échelle sur notre société contemporaine et les problématiques du futur, plus proches qu’elles n’y paraissent.

Il développe une réelle humanité chez Carbone et Silicium qui sont pourtant aux antipodes l’un de l’autre, Silicium veut voyager le plus possible et Carbone souhaite rester longtemps au même endroit et créer des liens durables. Une réflexion sur la sédentarité et le nomadisme, sur les façons de se trouver et d’être soi, face au monde et à la société. Des idées que les deux IA, qui se suivent de loin en loin, développent dans des tirades d’une humanité et d’une actualité confondantes. Face à ces deux personnages, nous ne sommes pas si différents. Mathieu Bablet évoque les différences entre humains et robots, comme on parlerait des minorités.

Le récit est porté par des illustrations d’une puissance rare, qui subliment un monde apocalyptique avec force détails qu’il est presque impossible de décrire ! Regardez ce désert où rien ne peut plus survivre. Ce milieu aquatique qui reprend ses droits sur un monde modelé à l’image de l’humain. Cet univers dématérialisé dans lequel ils s’échappent est traité dans une gamme chromatique presque irréelle où on les voient se détacher petit à petit de leur enveloppe charnelle. Les images sont si parlantes, si puissantes qu’elle se suffisent bien souvent à elles-mêmes et des planches, voir des pages entières, sans textes expliquent plus clairement le propos que n’importe quels mots.

 

Carbone et Silicium redonne à penser l’intelligence artificielle, la société actuelle en lumière d’un récit post-apocalyptique. Un coup de génie qui redonne ses lettres de noblesse aux genres de la BD et de la SF trop souvent décriés !